Le blog
La gestion de la crise sanitaire validée avec une censure partielle du Conseil constitutionnel

La gestion de la crise sanitaire validée avec une censure partielle du Conseil constitutionnel

Publié le : 06/08/2021 06 août août 08 2021

Le Conseil constitutionnel valide l'extension du "passe sanitaire" mais censure les dispositions du projet de loi organisant la rupture anticipée de certains contrats de travail et le placement "automatique" à l'isolement.



Par sa décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur plusieurs dispositions de la loi relative à la gestion de la crise sanitaire dont il avait été saisi.





Accès à certains lieux par la présentation du "passe sanitaire"



S'agissant des dispositions contestées de l'article 1er de la loi déférée qui subordonnent l'accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d'un "passe sanitaire", le Conseil constitutionnel juge que ces dispositions portent atteinte à la liberté d'aller et de venir et, en ce qu'elles sont de nature à restreindre la liberté de se réunir, au droit d'expression collective des idées et des opinions.



Toutefois, le Conseil constitutionnel retient que :



- le législateur a entendu, en l'état des connaissances scientifiques dont il disposait, permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à limiter la propagation de l'épidémie de Covid-19, poursuivant ainsi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé ;



- ces mesures ne peuvent être prononcées que pour la période durant laquelle le législateur a estimé qu'un risque important de propagation de l'épidémie existait en raison de l'apparition de nouveaux variants du virus plus contagieux ;



- le législateur a circonscrit leur application à des lieux dans lesquels l'activité exercée présente, par sa nature même, un risque particulier de diffusion du virus et a entouré de plusieurs garanties l'application de ces mesures, notamment l'accès aux soins d'urgence et aux produits de première nécessité ;



- les dispositions contestées n'instaurent, en tout état de cause, ni obligation de soin ni obligation de vaccination ;



- le contrôle de la détention d'un des documents nécessaires pour accéder à un lieu, établissement, service ou événement ne peut être réalisé que par les forces de l'ordre ou par les exploitants de ces lieux, et la présentation de documents d'identité n'est requise que si ceux-ci sont exigés par des agents des forces de l'ordre.





Obligations de contrôle imposées aux professionnels



Concernant les dispositions de l'article 1er relatives aux obligations de contrôle imposées aux exploitants et aux professionnels et aux sanctions encourues par ceux-ci en cas de méconnaissance de ces obligations, le Conseil constitutionnel retient également l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.



Les Sages réfutent également la disproportion de la charge supplémentaire pour les exploitants, la vérification de la situation de chaque client pouvant être mise en œuvre en un temps bref.





S'agissant des peines encourues, ils jugent que, au regard de la nature du comportement réprimé, les peines instituées d'un an d'emprisonnement et 9.000 € d'amende ne sont pas manifestement disproportionnées.





Rupture de certains contrats de travail



En revanche, le Conseil constitutionnel censure les dispositions de l'article 1er prévoyant que le contrat à durée déterminée (CDD) ou de mission d'un salarié qui ne présente pas les justificatif, certificat ou résultat requis pour l'obtention du "passe sanitaire", peut être rompu avant son terme, à l'initiative de l'employeur.



En prévoyant que le défaut de présentation d'un "passe sanitaire" constitue une cause de rupture anticipée des seuls CDD ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail qui est sans lien avec l'objectif poursuivi.





Placement en isolement des personnes positives



Le Conseil constitutionnel censure également l'article 9 de la loi déférée qui prévoit que, sous peine de sanction pénale, toute personne qui se voit communiquer le résultat positif d'un test de dépistage à la Covid-19 a l'obligation de se placer à l'isolement pour une durée de dix jours, sans qu'aucune appréciation ne soit portée sur sa situation personnelle.



Or, même si le législateur a là aussi poursuivi l'objectif de protection de la santé, d'une part, cette obligation n'est portée à sa connaissance qu'au seul moyen des informations qui lui sont communiquées au moment de la réalisation du test.



D'autre part, l'objectif poursuivi par les dispositions contestées n'est pas de nature à justifier qu'une telle mesure privative de liberté s'applique sans décision individuelle fondée sur une appréciation de l'autorité administrative ou judiciaire.



Dès lors, bien que la personne placée en isolement puisse solliciter a posteriori un aménagement des conditions de son placement en isolement ou sa mainlevée auprès du juge des libertés et de la détention, les Sages estiment que les dispositions contestées ne garantissent pas que la mesure privative de liberté qu'elles instituent soit nécessaire, adaptée et proportionnée



La loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a été publiée au Journal Officiel du vendredi 6 aout 2021 et fera l'objet d'un commentaire détaillé de notre part.







Patrick Lingibé





 

Historique

<< < ... 168 169 170 171 172 173 174 ... > >>