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Nullité du licenciement fondé sur des faits tirés de la vie sentimentale

Nullité du licenciement fondé sur des faits tirés de la vie sentimentale

Publié le : 11/07/2025 11 juillet juil. 07 2025

Est nul le licenciement intervenu en raison de la découverte de la liaison entre une salariée et le président de la société l'employant par l'épouse de ce dernier.Une salariée a été mise à pied à titre conservatoire puis licenciée pour faute grave.



Soutenant que son licenciement était nul comme portant atteinte au droit au respect de sa vie privée, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.



La cour d'appel de Versailles a écarté la nullité du licenciement.



Les juges du fond ont retenu :



- que la lettre de licenciement pour faute grave faisait état de divers manquements dans l'exécution du contrat de travail et griefs relatifs au comportement de la salariée sans faire aucune mention d'un grief en relation avec sa vie privée ou constituant une atteinte au respect de celle-ci ;



- que la salariée avait elle-même diffusé, dans le cadre de la procédure, les SMS échangés entre elle-même et le président de la société, de sorte que si cette atteinte était établie, elle rendait simplement le licenciement sans cause réelle et sérieuse et non pas nul.



Dans un arrêt du 4 juin 2025 (pourvoi n° 24-14.509), la Cour de cassation invalide ce raisonnement au visa des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil, L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3-1 du code du travail.Pour la chambre sociale, la cour d'appel avait retenu qu'aucun des griefs énoncés dans la lettre de licenciement n'était établi et que la véritable cause du licenciement était la découverte par l'épouse du président de la société, elle-même directrice générale de celle-ci, de la liaison qu'entretenait son mari avec la salariée depuis plusieurs mois et l'ultimatum qu'elle lui avait posé de la licencier immédiatement, ce dont elle aurait dû déduire que le licenciement était fondé sur un fait relevant de l'intimité de la vie privée de la salariée, de sorte qu'il était atteint de nullité.



EXTRAIT DE L'ARRET DE LA COUR DE CASSATION :



" Vu les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil, L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3-1 du code du travail :



5. Il résulte des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.



6. Il résulte des trois premiers de ces textes que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée et que l'employeur ne peut, sans violation de cette liberté fondamentale, fonder un licenciement sur un fait relevant de l'intimité de la vie privée du salarié.



7. Selon le dernier de ces textes, est nul le licenciement prononcé en violation d'une liberté fondamentale.



8. Pour écarter la nullité du licenciement, l'arrêt retient, d'une part, que la lettre de licenciement pour faute grave fait état de divers manquements dans l'exécution du contrat de travail et griefs relatifs au comportement de la salariée sans faire aucune mention d'un grief en relation avec sa vie privée ou constituant une atteinte au respect de celle-ci et, d'autre part, que la salariée a elle-même diffusé, dans le cadre de la procédure, les SMS échangés entre elle-même et le président de la société, de sorte que si cette atteinte est établie, elle rend simplement le licenciement sans cause réelle et sérieuse et non pas nul.



9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu qu'aucun des griefs énoncés dans la lettre de licenciement n'était établi et que la véritable cause du licenciement était la découverte, le 28 mars 2019, par l'épouse du président de la société, elle-même directrice générale de celle-ci, de la liaison qu'entretenait son mari avec la salariée depuis plusieurs mois et l'ultimatum qu'elle lui avait posé de la licencier immédiatement, ce dont elle aurait dû déduire que le licenciement était fondé sur un fait relevant de l'intimité de la vie privée de la salariée, de sorte qu'il était atteint de nullité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.



Portée et conséquences de la cassation



10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer à la salariée une somme au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.



11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.



12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond en prononçant la nullité du licenciement et en condamnant en conséquence l'employeur à payer à la salariée la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 1235-3-1 du code du travail.



13. La cassation des chefs de dispositif rejetant les demandes de nullité du licenciement et de paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts et condamnant l'employeur à payer une somme au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. "


 

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